France, lève-toi...

France attend. Elle ne sait pas très bien quoi mais elle attend. Comme une fille arpente inlassablement les trottoirs de son secteur, France attend assise devant son poste de télévision.

Elle regarde défiler les images, comme on regarde un film médiocre, sans grand intérêt et sans joie. Les images d’un monde rétréci par le cadre de son écran plat passent devant ses yeux, tour à tour visions de défaites et d’injustices, d’enfants qui meurent de faim, de fêtes somptueuses organisées par des pseudos stars de cinéma ou de télévision. Des canons pointés sur des gens qui n’en demandaient pas tant, des jeux idiots, des journaux soi-disant d’informations, des images de misères à n’en plus finir aussi. Et France regarde sans ciller ce qu’on veut bien lui montrer de ce monde à l’agonie.

Pourtant sa révolte gronde et grandit en elle de jour en jour. Elle sait que quelque chose peut être fait, que quelque chose doit être fait. Mais elle ne sait pas encore quoi en faire, de sa révolte, et elles tournent en rond, toutes les deux, enfermées dans un douloureux sentiment d’incompréhension et d’impuissance à la fois. Ses mains sont immobiles, posées bien à plat sur les bras du fauteuil usé par, lui semble-t-il, des siècles de renoncements, en quête de réponses, indécises. Et dans son attente interminable, elle rêve qu’elle se lève de son fauteuil, qu’elle marche vers la porte, qu’elle sort et qu’elle rejoint un flot innombrable de gens, comme elle prêts à résister, enfin.

Mais contre qui se battre, et par où commencer? France se sent désarmée face à l’ampleur de la tâche. Changer ses modes de consommation, boycotter les marques les plus discutables, faire attention à l’environnement, filtrer les informations (tout comme on trie les déchets)… Et après? Garder les yeux ouverts. Oui, France a décidé de garder les yeux grands ouverts, et de ne plus les fermer. On ne la prendra plus pour une idiote, capable d’avaler des couleuvres grosses comme le monstre du Loch Ness. Ce temps-là est bien terminé où elle gobait sans ciller les discours de propagande nationale et internationale en pensant naïvement, et tout aussi sincèrement, que c’était pour son bien. France commence à y voir clair et compte bien continuer ainsi. Elle ne croit plus aux gouvernements (qu’elle sait maintenant tous corrompus d’une manière ou d’une autre) ni aux politiques en général, aux idées consensuelles et bien pensantes, aux vœux du Président pour la nouvelle année. Elle ne croit plus non plus aux publicités lui promettant la jeunesse éternelle, l’amour à étaler en crème de nuit, la santé par la consommation de produits miracles, le succès grâce à une nouvelle voiture ou à un nouveau soutien-gorge… Le mensonge est partout, sur les murs des villes, dans les postes de télévisions, dans la bouche des politiques. Et le message est partout le même: “Obéissez, ayez peur, ne vous réveillez pas, consommez". Et dans presque tous les pays du monde, la même propagande, inlassablement…

France, elle, s’est désormais réveillée et croit à une vie meilleure dans laquelle son libre-arbitre se manifesterait sans interférence et où sa vie lui appartiendrait, libre, enfin. Elle sait que d’autres sont déjà éveillés, qu’ils n’attendent qu’elle et ses semblables pour paraître au grand jour et lutter, tous ensemble, contre la terreur ambiante qui fait d’elle et de ses camarades des esclaves et contre le totalitarisme sournois et invisible qu’on lui vend comme de la démocratie.

Oui, France est bien là maintenant, décidée à ne pas céder, à se révolter et à résister, en citoyenne debout. 

L’appel des résistants
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Texte © Florence Marthe 23/12/2010